Ninety-Nine Nights, aussi connu sous le nom de N3, est un beat’em all sorti sur Xbox 360 et resté relativement inaperçu. Le jeu en lui-même, sans être la bombe du siècle, ne manquait pourtant pas de qualités.
Mais ce qui frappe le plus, c’est, à l’instar de tous les jeux de Q? Entertainment (le studio de Tetsuya Mizuguchi, à qui l’on doit Space Channel 5, Rez, Lumines…), une bande originale grandiose. C’est qu’on ne rigole pas avec la musique chez ceux-là 😉
Ne vous laissez cependant pas tromper par les jeux précédemment cités : dans N3, il n’existe aucune interaction entre l’action du joueur et la musique. Exit, les sonorités pop groovy d’Ulala, ou les morceaux électroniques de Rez et de Lumines… ici, les morceaux sont orchestraux, philharmoniques pour la plupart.
Ainsi, en plus des morceaux originaux spécialement composés par le jeu par Pinar Toprak, Shingo Yasumoto et Takayuki Nakamura (nous y reviendrons plus tard), on trouve des morceaux de musique classique plus ou moins réarrangés pour l’occasion.
Si on sera surpris par la présence du thème de l’hiver des Quatre Saisons de Vivaldi, dans une version tout à fait fidèle à la composition d’origine, on le sera bien plus encore par la version “Eternal mix” du thème de l’été. La splendide symphonie n°9 de Dvořák (From the New World), plus précisément son troisième mouvement (Molto vivace), passe également à l’étrange moulinette de cet “Eternal mix”.
Concrètement cela se traduit par des thèmes bien fidèles mais joués de manière plus vive, subtilement réorchestrés selon une sorte de “charte” instrumentale retrouvée tout au long du jeu. Sur From the New World, les ensembles de violons se voient progressivement remplacés par un violon soliste, au jeu plus aigu, proche d’une guitare électrique dans le style.
Evidemment, cette bande “originale” ne se limite pas à ces reprises, pourtant fort réussies. Le thème principal du jeu mêle des chœurs lancinants à une voix soliste assez grandiose (dont on me souffle à l’oreillette qu’elle appartiendrait à Liz Constantine). Le tout reste assez surprenant dans la réalisation, puisque le style fait penser à un trailer de film du XXIè siècle qu’on aurait passé à la moulinette “classique”. En fait on s’aperçoit vite que ce sont les jeux de percussions, reprenant des rythmes quasi-militaires, qui insufflent une bonne part de son souffle épique au jeu.
C’est une première pour l’excellente Pinar Toprak, compositrice dont il s’agit du seul et unique jeu vidéo en date (le reste de son travail étant consacré à des films, séries et documentaires divers). Tous les morceaux dont elle a la charge sont particulièrement progressifs, rythmés, et conviennent surtout aux cinématiques et événements du jeu.
On doit à Takayuki Nakamura des morceaux dans l’ensemble moins mémorables, mais tout à fait efficaces en cours de jeu. S’ils respectent l’esprit musical de N3, ils apportent également une dimension supplémentaire très… drum’n’bass. Il faut dire que le compositeur est sans doute moins expérimenté avec les orchestres (ses travaux précédents se cantonnent à des morceaux sur des jeux tels que Daytona USA, Ehrgeiz, Xenosaga Episode 1, ou plus récemment certains Pro Evolution Soccer). Son style un peu marginal, en vue du reste de l’OST de N3, est plutôt utile pour les passages à suspense du jeu.
On terminera avec les deux uniques morceaux de Shingo Yasumoto. Mais quels morceaux ! Hammerfall et Spiral Maze!, sans doute les plus mémorables du disque.
Le premier d’entre eux démarre de manière presque uniquement percussive, pour finalement en arriver ; le plus étonnant étant son caractère épique indéniable, grâce à une montée en puissance bien que le rythme du morceau reste plutôt lent. Les jeux de violons s’additionnent à une basse synthétique et une guitare électrique le plus naturellement du monde. Les plus attentifs y reconnaîtront même l’espace de quelques secondes un riff qui semble faire écho au célébrissime thème de Mission: Impossible. Bien entendu, il est dur d’affirmer qu’il s’agit, ou non, d’un clin d’œil volontaire… On ne regrettera même pas l’aspect finalement un peu “synthétique” de l’ensemble tant le tout est maîtrisé tout au long des presque quatre minutes qui composent le morceau.
Quand à Spiral Maze!, il assume dès le départ une rythmique électronique, assez rapide, soutenue par des cuivres synthétiques. En vérité le morceau se divise en deux parties égales, la première faisant office d’intro aux sonorités très militaires, la seconde explosant littéralement avec pléiade de violons une fois encore. Là où le morceau fait très fort, c’est avec l’usage d’un violon très aigu (fiddle) dominant l’ensemble de l’orchestre et évoquant immédiatement des morceaux traditionnels chinois.
Si un mot devait résumer l’ensemble de ce disque, ce serait : épique. On est porté par des rythmes soutenus pour ne redescendre que lorsque c’est absolument voulu, lors des passages doux et lyriques de Pinar Toprak, portés par la voix divine de Liz Constantine (From a distant forest risque fort de vous tirer les larmes !). Que dire d’autre si ce n’est qu’à défaut de vous procurer le jeu (de toute façon très bon et trouvable à un prix dérisoire de nos jours), vous devez absolument écouter sa bande originale ? Je vous en voudrais autrement.