Incroyable : après une petite recherche, il s’avère que je ne vous ai encore jamais parlé, sur Café Gaming (à l’exception d’une rapide remarque au sein du compte-rendu du tout premier Bargaming…), d’un de mes “musiciens de jeu vidéo” préférés : Dubmood. L’occasion de réparer cette terrible erreur se présente enfin, avec la sortie d’un tout nouvel EP du bonhomme…
Du-du-du-dubmooooood
Pour les trois du fond qui n’en auraient jamais entendu parler, Dubmood, c’est tout simplement un des plus grands noms de la musique chiptune… du côté Atari de la force, of course !
Sans le savoir, vous le connaissez peut-être déjà à travers ses compositions agrémentant les cracktros de l’illustre team warez Razor1911, avec l’ami REZ au code. Il est d’ailleurs, avec quelques autres musiciens, l’un des principaux représentants toujours en activité de ce son si caractéristique des demos oldsk00l qu’il crée à l’aide de son Atari ST (qu’il troquera parfois, même si c’est plus rare, pour une Game Boy…).
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Insert no coins, une des plus récentes demos du groupe Razor1911 avec toujours Dubmood au son…
Pour résumer, du haut de ses (seulement) 25 ans, le blondinet suédois (qui n’a jamais composé pour le moindre jeu vidéo) jouit d’une solide notoriété. C’est bien souvent son nom qui viendra à l’esprit de beaucoup de connaisseurs en tête de liste pour conseiller un ami néophyte qui souhaiterait se lancer dans le chiptune ; il faut dire que son style bien particulier, riche en arpèges et en basses, empruntant tantôt au reggae, tantôt à l’electro pure et dure, constitue une très bonne initiation aux richesses que peut offrir un bon vieux chip sonore, si limité soit-il.
Installé à Marseille depuis quelques années, Dubmood a créé un label qu’il dirige (Data Airlines), sur lequel il sort désormais la plupart de ses compos hors demo. C’est ainsi qu’ont vu le jour deux albums résolument chiptune/lo-fi (C’était mieux en RDA, vol. 1 et 2) ainsi qu’une compilation réalisée avec quelques-uns de ses potes (The Knife, reprises du groupe éponyme). Mais attention : avec son petit dernier, Badlands, quelques habitudes pourraient bien être bousculées…
On va manger du CHIP, t’entends ?
Préambule : l’EP étant gratuitement disponible à l’écoute en streaming sur Bandcamp, nous vous proposons de l’écouter au fil de la lecture. Vous pouvez l’y acheter pour un montant minimum de 5$. Il est également disponible sur Spotify (pour les abonnés) ou iTunes (pour ceux qui aiment payer plus cher).
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Badlands (DATA020) by Data Airlines
Dubmood ne s’en est jamais caché : avec Data Airlines, son but n’était pas d’éditer une nouvelle fois des clones de ce qu’il réalise pour ses cracktros, mais bien d’expérimenter, de créer de nouvelles sonorités en ayant le champ libre pour le faire.
C’est ainsi que le premier opus de C’était mieux en RDA s’éloignait déjà sensiblement du style qu’on lui connaissait, pour laisser place à des titres electro lo-fi complètement assumés et, ma foi, diablement dansants. L’album n’était d’ailleurs composé que de deux (longs) morceaux, divisés chacun en plusieurs parties où le maître prenait soin de déformer, malaxer, triturer… un leitmotiv de base, jusqu’à plus soif. Expérimental ? Oui, mais tellement réussi que personne ne viendra s’en plaindre…
Avec Badlands, Dubmood OSE enfin ce que certains attendaient depuis si longtemps : il introduit de véritables instruments (basses, guitares, synthés…) dans ses compos, ainsi que des paroles originales (les fins connaisseurs se souviendront qu’il avait déjà mixé, à plusieurs reprises, des morceaux chiptune avec des pistes vocales déjà existantes).
Étrangement, cette décision semble avoir provoqué des réactions épidermiques au sein même du noyau dur des “fans” de Dubmood, d’aucuns lui reprochant d’avoir délaissé son “style”, perdu son âme (et encore, je vous en passe…). Soyons honnêtes : même si le pauvre Atari n’est plus seul dans le mix, il s’y taille toujours la part du lion ; les instruments ne viennent que remplacer avantageusement certaines phases qui étaient auparavant déjà clairement singées en “chip”(rythmiques de guitare, etc.). On retrouve toujours les basses à la Dubmood, les longs glissandos… Tout l’attirail typique du monsieur est toujours là, pas de doute à avoir. Dès la première écoute, on sait qu’on ne s’est pas trompé d’artiste…
Psychosomatic addict, insane
Il semblerait que ce qui ait le plus troublé certains auditeurs soit l’apport de vocals sur toutes les pistes. Soit. Examinons donc cela.
Le premier morceau porte un titre évocateur et symbolique : Change. Mais dès les premières secondes, comme un pied de nez, c’est une basse typique d’Atari qui nous arrive dans la gueule : dis voir, le phocéen, tu te foutrais pas de nous, des fois ?… Ce n’est que quelques secondes après, une fois le rythme et les lyrics lancés, qu’on perçoit la richesse de ce que certains aimeront appeler le “nouveau style de Dubmood”. Le chant prend le dessus sur une trame chiptune indéniablement familière, puis c’est une guitare rythmique qui rentre en jeu. On a même le droit à un très sympathique solo de basse…
Déroutant ? Pas tellement. C’est toujours du Dubmood. Difficile à expliquer ; cela s’entend, cela se ressent. C’est ce qu’on a toujours connu, mais en plus complet. Dubmood n’a pas sacrifié son style, il l’a enrichi !
Ce premier morceau, très entraînant et rythmé, bien chargé en basses, sera en mesure de mettre le feu à n’importe quelle soirée. Il doit cependant beaucoup à la prestation du chanteur (Albator) dont la voix ainsi que le style de chant évoquent James Murphy (LCD Soundsystem). Cela va jusqu’aux paroles, énumération manique et minimaliste, que le groupe américain n’auraient sans doute pas renié ! Mais c’était un trompe-l’œil, tant le reste de l’EP s’avèrera différent…
On passe ensuite à Mi Anderoid. L’Atari y est beaucoup plus présent, seul sur quasiment tout le morceau (si on excepte quelques effets de production) pour accompagner le chant en français de Gem Tos (une autre “chiptuneuse” bien connue des fidèles de Data Airlines…). Le morceau frappe moins fort que Change, mais le chant très efficace remplit encore une fois parfaitement son rôle. On pourra toutefois chipoter sur la voix de Gem Tos qui ne plaira pas à tout le monde, mais, oh well.
Io Stesso nous sert une mélodie chiptune guillerette sur de grosses basses (on ne change pas une équipe qui gagne) assorties de quelques effets discrets. Sur ce morceau et le suivant, Dubmood est accompagné de son vieil acolyte Facteur avec lequel il a réalisé la plupart de ses performances live : on retourne donc, presque logiquement, à du gros chip qui tâche. Gem Tos, toujours au chant, livre toutefois une prestation qui semble moins inspirée que sur les quelques autres tracks de l’album. Au final, loin d’être mauvais, ce n’est pas le morceau qu’on retiendra le plus…
On conclut avec Mainstream Technology, un morceau beaucoup plus posé, plus propice aux nappes analog. La guitare y fait un retour en tant qu’élément de rythmique discret mais efficace. Ici, c’est un chant en duo entre Buzz et Gem Tos qui nous est proposé ; ils portent à eux deux la conclusion (déjà !), douce et très réussie, de cet album plein de nuances.
En fait, c’est toujours aussi bien
Allez, il faut se rendre à l’évidence : en mariant le neuf avec le vieux, Dubmood semble avoir (encore) réussi son pari. Pour tout dire, je suis impressionné par la qualité globale de la prod, notamment sur le morceau phare, Change : c’est propre, homogène, les titres sont suffisamment différents pour s’enchaîner sans lassitude… Jolie première. L’alliance du chiptune et d’une prod’ plus “complète” prouve une fois de plus sa grande efficacité (cf. Pornophonique, Anamanaguchi, les Black Eyed Peas…).
Ce qui impose le plus le respect, c’est le talent du bonhomme pour savoir se renouveler régulièrement, tout en conservant un style bien à lui. Dans un pays où les prods électro sont généralement hantées par le spectre des Daft, de SebastiAn, des compresseurs dégueulasses Ed Banger-style… Dubmood prend un malin plaisir à passer totalement à côté des plus pénibles clichés de la french touch. Et pour cause, ses inspirations majeures sont plutôt à chercher dans l’electro-pop anglo-saxonne : un gros bout de LCD Soundsystem (on en a déjà parlé), un peu de Chemical Brothers pour l’éclectisme, un soupçon de Prodigy (il y fait même clairement référence dans Mainstream Technology)… Avouez qu’il y a pire, comme références !
Badlands remplira parfaitement son office, autant dans vos écouteurs que sur les dancefloors, en somme, tout en étant plus accessible que C’était mieux en RDA pour le commun des mortels. En fin de compte, il pourra en attirer plus d’un vers ce type de sonorités. Seule déception : quatre morceaux (plus un remix de Mi Anderoid par MisfitChris), c’est forcément trop court. Heureusement, Badlands est annoncé comme le premier EP d’une trilogie. Vite, la suite !
moi j’aime bien ça ressemble un peu à “pop corn”