Sorti en juillet dernier, Limbo fait partie de ces petits jeux téléchargeables injustement dévalorisés et méconnus qui méritent qu’on parle d’eux. Développé par les bons petits gars du studio Playdead, et doté de graphismes particulièrement originaux entièrement en noir et blanc, il brille surtout de par son ambiance apocalyptico-minimalisto-baroque qui ne vous laissera, assurément, pas de marbre. Parés pour l’aventure ? Let’s go, c’est parti, on y va !
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Limbo
- Editeur : Microsoft Game Studios (2010), Playdead (2011)
- Développeur : Playdead
- Genre : plate-forme
- Support : Xbox 360 (Live Arcade), PSN, PC
- Date de sortie : 21 juillet 2010
- PEGI : 18 ans et plus
Note de l’auteur : écrit initialement en août 2010 pour la sortie du jeu sur Xbox 360, ce test a été republié le 2 août 2011 à l’occasion de la sortie du jeu sur plateforme PC via Steam. Mon avis n’ayant guère changé, aucune ligne n’a été modifiée.
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Limbo… il est rare qu’un jeu parvienne à autant envoûter le joueur. L’espace d’un instant, il devient alors spectateur d’un univers onirique, dont les prouesses esthétiques n’ont d’égales que les subtilités des énigmes à traverser. On se prend alors d’affection pour un héros muet, que les talentueux artistes de Playdead ont réussi à rendre incroyablement vivant. On parvient à partager ses sentiments lors de cette aventure mystique à la recherche de sa sœur…
Limbo, c’est le but en soi de tout joueur, la consécration du jeu vidéo, l’aboutissement dont on rêvait tous. C’est à peine si on osera dire qu’il est ridiculement court, tiens.
Stop !!!
Pause, retour arrière. Tout ce que vous venez de lire, c’est ce que j’aurais pu écrire si j’avais rédigé le test que vous vous attendiez à lire en arrivant, c’est-à-dire, celui que vous avez déjà lu ailleurs. Il est vrai que descendre un jeu développé par un studio prétendu indépendant, c’est un peu tirer sur les ambulances ; ce n’est pas avoir le beau rôle, c’est passer pour le rageux de service. On a mieux fait de se poser en défenseur d’un petit concept “révolutionnaire”, à chaque sortie du dernier indie à la mode, avant de conclure par une maxime visant à prouver à quel point on a le sens des vraies valeurs vraies du vrai monde du jeu : « le jeu vidéo a déjà gagné mais il ne le sait pas encore », par exemple. Mais je m’égare.
Considérez ça comme un contre-test si le cœur vous en dit ; personnellement, j’essaye surtout d’être en phase avec mes sentiments et mes convictions.
Limbo ou Limpabo ?
On arrive donc, largué sans plus d’informations, dans un monde noir et blanc qui ressemble à une forêt géante. Première particularité : de toute l’aventure, on ne verra jamais le visage de celui qu’on dirige ; seule la lueur de ses yeux se dessine sur sa silhouette, pour mieux s’éteindre en cas de décès. Et croyez-moi, il y en aura.
Basiquement, ce n’est pas moche, mais assez plat, sans saveur ; et une foultitude de détails me dérangent. Le concept de base est bon (même si, entre Madworld et The Dishwasher, on peut difficilement qualifier le parti graphique d’original), mais on a l’impression que les développeurs y sont allés à la flemmardise. On est, par exemple, très loin du travail effectué sur la majeure partie des productions 2D actuelles à des prix similaires (Alien Hominid, Castle Crashers, Braid, Scott Pilgrim VS The World…). Plus précisément, les filtres de “flou” appliqués pour créer une impression de mouvement constant ainsi qu’une illusion de profondeur (focus) ne sont guère convaincants (trop présents, surtout au premier plan). Les éléments du décor, autant que les êtres vivants rencontrés tout au long du jeu, souffrent bien souvent d’une modélisation grossière ; comprenez par là que les arêtes saillantes des éléments vectoriels sont trop souvent perceptibles, surtout en mouvement, comme avec les jeux en Flash bas de gamme. Etant donné que les contours sont la seule chose dont les designers ont eu à se préoccuper, je trouve ça un peu gonflé d’avoir bâclé à ce point la finition…
Mais soit, admettons. Cela ne fait pas tout. On m’a d’ailleurs expliqué à de maintes reprises que Limbo vaut avant tout pour son ambiance. Malheureusement, sur ce point, je me sens encore une fois obligé d’émettre un avis sensiblement différent…
Outre le fait que le style graphique n’ait rien d’original ni de spécialement beau comme j’ai déjà pu l’expliquer, ce qui m’a choqué, c’est l’absence totale d’enrobage. On se retrouve largué au milieu d’un jeu sans prologue, sans la moindre justification, sans aucune ambiance sonore (l’absence totale de musique n’est qu’à moitié justifiée ; cela n’aurait pas empêché de soigner le sound design pour créer une alternance de moments vifs et de phases silencieuses… des titres comme Bioshock ont d’ailleurs fait des merveilles à ce sujet). Je parlais de flemmardise, on est ici visiblement en plein dedans.
Du coup, puisqu’on ne sait rien du monde dans lequel on nous plonge, les actes de violence graphique paraissent plutôt injustifiés (décapitations, démembrements multiples… les développeurs ont accentué à fond cet aspect du jeu, ce qui explique sa classification PEGI). Moi, je veux bien croire qu’on arrive dans un monde particulièrement dangereux et malsain, et je ne suis pas le dernier à jouer à des jeux accumulant la violence gratuite et cruelle, mais encore faudrait-il qu’on comprenne ce qu’elle fout là. Ici, les phases de gore sont aussi légitimes que dans un Serious Sam, l’humour en moins ; c’est-à-dire, pas du tout. Certains passages volontairement provocateurs en arrivent même à me faire sérieusement douter qu’il y ait une quelconque intention derrière, tant ils n’ont aucun sens (même pas symbolique). En somme, juste un étalage de scènes pour tenter de faire “différent”.
Pour citer un célèbre humoriste de notre siècle : c’est quoi le projet ? Essayer de reproduire sans aucune finesse ce que Oddworld : Abe’s Odyssey faisait déjà avec bien plus d’intelligence et de parcimonie il y a plus de 15 ans ? Dis donc, Playdead, tu commencerais pas à nous prendre un peu pour des cons, des fois ?
Danse le limbo
Alors, derrière ce tableau peu flatteur (qui permet pourtant aux blogueurs mono-neuronaux, et autres Julien Chièze, d’établir des tonnes de théories fumeuses), il est peut-être temps de se pencher sur le gameplay. Les commandes sont simples au possible : on dirige son personnage au stick, on dispose d’un bouton de saut et d’un bouton pour attraper les objets. J’ai pu lire, ça et là, que les commandes étaient au poil. Encore une fois, j’ai dû télécharger un jeu différent de la blogofashionosphère franchouillarde (un “LIMBO Café Gaming Edition” ?) car, de mon côté, j’ai dénoté un temps de latence impressionnant sur certaines actions (heureusement, il n’y a jamais de réelle difficulté dans le jeu, donc ce n’est pas grave), une lenteur exaspérante du personnage dans les moments critiques, et des lacunes évidentes de game design.
Tout d’abord, dans le jeu, il n’est pas rare que pendant 10, 15, 20 secondes, on se dirige vers la droite de l’écran. Rien ne se passe. Typiquement, vous y aurez quasiment systématiquement droit entre 2 énigmes courtes. Ca n’a l’air de rien dit comme ça, mais sur un jeu aussi court, on finit par avoir l’impression de passer son temps à courir vers le prochain “événement” à déclencher… (si vous êtes de mauvaise foi, vous pouvez me dire que c’est pour créer l’ambiance, je l’ai déjà entendu).
Alors on court, et… on se fait tuer. Les pièges sont partout, à peine visibles sur le sol pour vous décapiter, ou surgissant au dernier moment d’un coin de l’écran pour vous embrocher trois fois avant de jeter votre corps, séparé de ses jambes et de sa tête, s’empaler 50 mètres plus bas sur une rangée de pics à la Prince of Persia (dites vous que je n’exagère rien). Je n’ai rien contre la progression par l’échec doublée d’un certain sadisme, mais je pense que les concepteurs du jeu auraient pu se permettre de ne pas en faire le seul élément de “difficulté” qui entrave votre progression. On meurt, mais c’est normal, c’est voulu ; on recommence et on traverse le passage la fois suivante sans la moindre encombre. Cette impression est renforcée par la position des checkpoints : ils sont là à quasiment chaque écran, et il est rare qu’une mort vous fasse perdre plus de 20 secondes…
Ce type de progression par l’échec, scriptée à l’excès, pouvait faire recette au temps du grandiose Another World, mais il passe moins bien en 2010. A l’époque, la mise en scène soignée et les graphismes au top permettaient d’excuser beaucoup de choses, d’autant que la difficulté était, elle, largement au rendez-vous. Ici, on a juste l’impression de servir, par paddle interposé, d’objet au sadisme des développeurs.
Car si vous mourez beaucoup dans Limbo, vous ne bloquez jamais. L’intérêt numéro 1 du jeu, à savoir ses énigmes, n’a pas dû faire l’objet d’une réflexion bien approfondie de la part des level designers ; la plupart reposent sur des mécanismes déjà vu (les vases communicants, la gravité renversée…) et aucune ne coincera un joueur plus de 5 minutes. On est loin de la folie furieuse d’un Braid qui retournait les méninges en exploitant des concepts inhabituels et forcément dépaysants (lui était, pour le coup, facile à terminer mais d’une difficulté conséquente pour en voir la fin à 100%). Ici, tout coule de source, on fait ce qu’on a à faire comme les développeurs veulent qu’on le fasse, et on progresse.
Donc, on avance vers la droite, on meurt, on recommence, on meurt, on résout l’énigme sans jamais trop se creuser la cervelle, et on finit le jeu d’une traite en moins de 4h chrono du premier coup. Tout ça pour, au final, se retrouver avec une scène de fin tout aussi dénuée de sens que l’ensemble du jeu, qui dure 30 secondes, crédits compris. Et retour au menu. Merci d’être passé. Ne comptez pas sur la replay value ; elle est inexistante.
Allô maman, Limbo
Pour finir, j’ai un problème fondamental avec la manière dont les jeux vidéo téléchargeables assurent, de plus en plus, leur promotion. Je n’ai rien contre les studios indépendants, simplement, je ne pense pas qu’ils soient plus ou moins talentueux ; en vérité, ça n’a pas tellement d’importance (surtout que 99% des personnes interrogées ne sauront même pas dire ce que signifie “indépendant”, à proprement parler). Et j’ai l’impression que l’objectivité déjà bien entamée de nombre de journaleux pro/blogueurs/joueurs du dimanche (ne rayez aucune mention, elles sont toutes utiles) se consume d’autant plus dès lors que l’on présente un petit jeu comme la révolution du moment à grands renforts d’annonces et de trailers, à plus forte raison lorsqu’on lui accole un parti pris graphique qui sort soi-disant de la norme (et peu importe que la direction artistique qui se trouve derrière soit réussie ou pas).
L’argument “indépendant” semble, dans le cas de Limbo, assez indispensable pour servir de cache-misère aux reproches qui ponctuent l’ensemble du jeu ; il n’y a pas un communiqué, pas un site web, sans que l’on voit la mention “indépendant” exhibée fièrement à gauche et à droite. Faites-moi plaisir, la prochaine fois, faites en sorte que ça reste un secret, histoire de voir si on continuera à chercher des excuses pour un jeu aussi lacunaire…
Donc, voilà. Avant tout, j’ai essayé de jouer à Limbo sans a prioris. Ni dans un sens, ni dans l’autre. A vrai dire, une semaine avant sa sortie, je connaissais tout juste son existence. Et voilà que j’en viens à regretter d’avoir dépensé 15 euros pour un titre aussi court, aussi pauvre en contenu et qui donne l’impression que les développeurs sont des partisans convaincus du moindre effort. Même s’il avait été vendu trois fois moins cher, j’aurais trouvé son trip pseudo-morbide pseudo-pensant assez insupportable, à vrai dire. Mais à ce prix, il y a de quoi se sentir floué… et c’est un euphémisme pour un autre mot à la rime identique. No comment.
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On retiendra surtout…
- Les 5 premières minutes…
Mais on regrettera…
- …les 235 minutes qui suivent
- La durée de vie
- La flemme des devs, d’une manière générale
- Le PRIX !
Avis final : 07/20
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« Le seum » ? Contre qui, contre quoi ?
Si tu veux des « tests objectifs » (bel oxymoron), tu peux toujours aller sur Gameblog, ils savent caresser le lecteur dans le sens du poil. Je ne pars personnellement pas du principe que le test doit fournir au lecteur ce qu’il s’attendait à lire.
Bonjour à tous 🙂
Voilà ! Je vais être un des rares à dire du mal de Limbo pour prouver que j’existe ! /érection
Faire un test de Limbo aussi « terre-à-terre », c’est comme se désoler du manque de poésie dans un FPS, c’est ridicule…
Si tu as écris ça pour « ne-pas-faire-comme-les-autres », bravo !
Rhaa les fanboys qui sont heureux de répondre au cliché qu’on se fait d’eux… lassant à force.
Parler des autres à la troisième personne… Le faîte du mépris…
Continue s’il te plaît, tu me rassures sur votre espèce.
Ah parce que le mépris c’est autorisé seulement quand tu le pratiques ? 🙂