Au fil des années, au fil des décennies, l’art du jeu vidéo s’est peu à peu créé des obligations, des barrières psychologiques auxquelles chaque jeu, qu’il soit bon ou mauvais, s’accroche. Ces conventions sont nombreuses, et la plupart du temps respectées à la lettre. Pourtant, aujourd’hui sur Playstation 3, un jeu du nom de Heavy Rain détruit ces bases solides et les habitudes de toute une communauté de joueurs pour emmener ces joueurs vers quelque chose de plus essentielle: l’émotion pure.
- Editeur : Sony
- Développeur : Quantic Dream
- Type : Jeu – Film interactif
- Sortie France : 24 février 2010 (23 février 2010 aux États-Unis – 18 février 2010 au Japon)
- Classification : Interdit aux – de 18 ans
Un scénario, quatre héros.
Ethan Mars est un homme heureux. Architecte reconnu et riche, père de deux garçons qu’il aime et qu’ils l’aiment, mari d’une belle femme avec qui il vit le parfait amour, Ethan pense son avenir assuré. Pourtant, par une journée ordinaire, dans un centre commercial bondé, son fils ainé Jason se perd dans la foule. Ethan le cherche, désespérément, mais par le simple fruit du hasard, de la malchance, Jason meurt écrasé par une voiture. Mauvais endroit, mauvais moment, descente aux enfers…
Deux ans plus tard, Ethan n’est plus l’homme épanoui qu’il était autrefois. Malheureux, persuadé de sa propre culpabilité dans la mort de Jason, divorcé et vivant dans un appartement pour le moins banal, la seule chose qui le rattache encore au monde qui l’entoure est son second fils, Shaun, avec qui il entretient une relation timide et distante, mais une relation de père à fils tout de même. Au même moment, un tueur en série appelé « tueur aux origamis » noie de jeunes garçons dans de l’eau de pluie et laisse leur corps dans des terrains vagues, un origami dans la main, une orchidée sur la poitrine. L’enquête de la police piétine, le monde veut un coupable, et Norman Jayden, un profiler du FBI compte bien résoudre l’affaire rapidement. En parallèle, Scott Shelby, un détective privé mandaté par les victimes pour trouver le tueur, réalise ses propres recherches.
Lorsque le petit Shaun Mars est enlevé par le tueur aux origamis, ces trois personnages, accompagnés de la journaliste Madison Page qui n’entrera dans l’histoire que par le plus grand des hasards, vont tous devoir réaliser des sacrifices, faire face à des épreuves difficiles, pour sauver Shaun, et répondre par leurs actes à cette seule et unique question: Jusqu’où êtes-vous prêts à aller par amour ?
C’est donc au travers d’une soixantaine de chapitres que vous dirigerez ces quatre héros, chacun mus par des motivations différentes mais reliés par une seule et même histoire. Qu’ils se rencontrent ou non, chaque action de l’un influencera l’histoire de l’autre, et l’histoire principale.
Heavy Rain : QTE géant ?
Peu de gameplay sont au final tellement simples qu’ils se font rapidement oublier. C’est pourtant le cas avec Heavy Rain. Le moindre de vos gestes sera associé à une action spécifique de la manette sixaxis. Qu’il s’agisse de la secouer pour que votre personnage saute, ou qu’il s’agisse d’appuyer sur Rond pour frapper un homme, tout cela se fait de manière extrêmement dirigiste au premier abord. En effet, ces actions apparaîtront sous la forme de multiples QTE à réaliser au bon moment, au bon endroit. Rapidité et concentration seront donc en toute logique indispensables pour venir à bout de Heavy Rain qui passe dès lors pour un QTE géant dès les premières minutes de jeu. On en vient presque à se demander où est l’intérêt du soft…
Pourtant toute l’ingéniosité de ce gameplay est qu’il se fait vite oublier. En totale contradiction avec une Wiimote de Nintendo qui fait passer par le gameplay un jeu tout entier, Heavy Rain nous fait oublier la manette, et nous implante directement dans son histoire. Pourquoi utiliser le stick gauche dans une voiture pour tourner le volant? Un simple coup du stick droit suffit amplement après tout. Le but d’Heavy Rain n’est pas de nous faire conduire une voiture, il n’est pas de nous faire vivre ce que le joueur a déjà vécu des centaines de fois dans d’autres jeux, mais bien de nous faire participer à une histoire qui par ce gameplay prend tout son sens.
Malgré tout, ce gameplay si ingénieux n’est pas exempts de défauts, loin de là. Outre le fait que le joueur est obligé de presser R2 pour que son personnage bouge, on regrettera une rigidité presque abusive de certains mouvements, ainsi que des déplacements parfois lourds et lents, ce qui irrite, voire énerve par moment. Les changements de caméra nombreux n’aidant pas, suivre la trajectoire d’un personnage n’est pas toujours chose aisée. De plus, on se demandera parfois l’intérêt de certains QTE, qui par moment semblent être présents juste par défaut, pour occuper le joueur, ce qui est quand même relativement dommage.
Heavy Rain n’est donc pas un QTE géant, loin de là. Son gameplay est un énorme atout, et non un défaut, car sa principale force est de se faire oublier. Les défauts sont certes présents mais n’empiètent jamais sur l’essence même du jeu, essence portée par le gameplay, et qui se résume en un mot: émotion.
Un jeu porteur d’émotions, un jeu qui se joue du joueur.
Heavy Rain, avant d’être un jeu, est un film, un énorme film interactif de dix heures. Avant d’être bon, Heavy Rain nécessite une implication profonde du joueur. L’histoire qui se déroule ici est la vôtre, uniquement la vôtre, alors profitez-en! Vivez votre histoire!
C’est ici que repose toute la force, que dis-je, la puissance d’Heavy Rain. Jamais un jeu ne nous aura tant impliqué, car au delà du jeu, ce sont les protagonistes qui attireront votre attention. Vous les aimerez, vous les adorerez et les situations, vous les vivrez avec eux. De vos choix dépendront leur avenir, leur bonheur, leur vie ou celle de ceux qu’ils aiment. Jusqu’où irez-vous par amour ? Là est la seule question. Peu à peu, vous les comprendrez, vous saurez ce qu’ils pensent, et ce qu’ils doivent faire, et vous agirez, vous seul, en conséquence.
Car le jeu se joue uniquement de votre attachement aux personnages que sont Ethan, Madison, Norman et Scott. Serez-vous prêts à sacrifier l’un d’eux pour en sauver un autre ? Serez-vous prêts à tenter l’impossible pour les aider ? Serez-vous prêts à tuer, à mourir, à souffrir, etc ? Et Heavy Rain vous exposera sans cesse à ces choix cruciaux où peur, angoisse, appréhension, amour, plaisir ou haine vous explosent au visage. Car au delà de ce qu’ils paraissent être, chaque personnage a ses propres problèmes qu’il va vous falloir gérer, de Madison insomniaque à Norman drogué par exemple. Le jeu vous balancera alors des révélations en pleine figure, des scènes cultes d’une tristesse presque abusive ou des moments d’actions jubilatoires. On notera notamment les passages avec Norman où, pourvu de vos lunettes ARI, vous devrez récolter un maximum d’indices pour continuer votre enquête et au final, peut-être, trouver le tueur. Peu nombreux, ces moments arrivent cependant toujours à point nommé, tout comme les scènes où vous devrez étudier ces indices, dans votre bureau, bien au chaud.
Dire qu’on s’ennuie en jouant à Heavy Rain ne peut être qu’un mensonge tellement le jeu, à travers l’histoire de ses protagonistes, varie les situations, les mystères, les enquêtes et les moments intenses. S’ennuyer en jouant à Heavy Rain c’est refuser de s’impliquer personnellement dans le jeu. En effet, si vous n’êtes pas sensible à toutes les émotions véhiculées par le jeu, Heavy Rain vous paraîtra sans doute bien fade et creux, même si son scénario, incroyablement bien ficelé et au final pourvu de très peu d’incohérences bien qu’un peu stéréotypé, vous captivera d’un bout à l’autre. Ce jeu n’est pas un jeu commun, mais une fois commencé, il est simplement impossible d’en décrocher.
Votre première partie sera la plus importante. Ne prenez surtout pas connaissance des trophées si vous comptez jouer au jeu. Heavy Rain se joue en fonction des choix que vous faîtes, la première partie est la vôtre, faites les choix que vous estimez bon, la fin que vous aurez n’en sera que plus poignante. Oui, puisque en fonction de tous vos choix, de vos réussites ou de vos défaites, surtout dans la seconde partie du jeu, l’épilogue du jeu sera différent. Pas moins de 23 fins sont disponibles, et inutile de vous dire que pour toutes les voir il faudra s’accrocher. Mais c’est aussi ça le charme de Heavy Rain. Personnellement, j’en suis déjà à ma troisième partie complète.
Êtes-vous prêts à mourir pour une cause juste ?
Quel jeu d’acteur !
Sans être une prouesse technique, Heavy Rain n’en reste pas moins très joli, avec un design très réussi qui se veut le plus réaliste possible. La motion capture fait ici des merveilles. Les personnages, joués par de véritables acteurs, sont magnifiques. Leurs expressions semblent réelles, et leur visage est parfaitement restitué. On notera tout de même que les personnages secondaires bénéficient d’un soin un peu moins important. Niveau bande-son, là, c’est simplement exceptionnel. Les musiques s’activeront toujours à point nommé pour donner des tons plus ou moins joyeux aux scènes, et certains thèmes resteront gravés dans votre mémoire. Rarement une bande-originale de jeu vidéo aura porté de telles émotions chez le joueur.
Malheureusement, quelques points viennent ternirent ce si beau tableau. Les temps de chargements trop longs et trop nombreux demeurent le principal point négatif du jeu. On notera aussi la présence de quelques bugs, quoique assez rares. On regrettera également une synchronisation labiale désastreuse en VF, ce que l’on pardonnera aisément vu le doublage français d’une qualité rare dans un jeu vidéo.
Quatre héros, quatre histoires, quatre vies, un scénario.
Conclusion: Heavy Rain est un jeu hors du commun. Comment même le qualifier de jeu? Heavy Rain est un film, mais un film où vous pouvez sans cesse réécrire le scénario. Si vous voulez non pas jouer, mais vivre Heavy Rain, c’est par une implication personnelle que vous y parviendrez. Et c’est une fois accoutumé au gameplay, ingénieux, et aux personnages, attachants, que vous comprendrez à quel point ce jeu peut fournir des émotions qu’aucun jeu n’a fourni avant lui: la peur, le plaisir, le bonheur, la tristesse, l’angoisse, etc. Tout cela vous le vivrez, et plus encore. Et vous terminerez le jeu, avec une boule au ventre, une satisfaction personnelle, une incompréhension totale, et vous penserez tous les jours au scénario, à ce qui se serait passé si vous aviez fait ceci ou cela, et vous débuterez une seconde partie. Voilà pourquoi Heavy Rain est un grand jeu, car quoi qu’on pense de lui, il ne laisse pas indifférent.
Eh bien Heavy Rain t’a transcendé ! Un bon test que voilà, un peu pragmatique (si je peux me permettre) dans le sens ou tu dis que “si on aime pas c’est qu’on ne s’implique pas dans le scénario”… J’aurai plutôt avancé que ce jeu se prêtait davantage aux cinéphiles avertis avides d’expériences nouvelles… Mis à part la première partie qui sublime l’ingéniosité du gameplay (perso je le trouve au final très sobre en fin de compte sur ce point mais on peut en effet trouver cela ‘génial’) le test m’a tout l’air en adéquation avec les échos de mes amis qui s’y sont essayés. Je ne devrai pas tarder à le faire par moi même pour mieux juger 😉